Triangle des Bermudes

Comme un bon mardi soir, tu t’emmerdes à Casabancal. Choses rares en ces temps pré-ramdanesques ou le moindre soubresaut d’Iphone 5 te donne une occasion d’aller boire un coup. Coup qui finit par une bouteille  frelatée dans une des 5 boites de nuits ouvertes entre l’été 2014 et 2015 (alors que Casabancal ne savait plus ou swinguer du terma pendant près de 5 ans, va comprendre). Tes amis sont à fond, ils tentent le marathon des 40 jours sans redescendre pour tenter de garder un minimum de grammage durant le mois sacré qui s’annonce chaud et long, « C’est long » comme disait l’autre. Alors tu retentes une bonne vieille comédie des familles interprétée et réussie  grâce à la main cachée d’un zmagri fort connu et à l’absurdité d’un réalisateur qui lui-même se définissait comme « Nul » à la belle époque. « Astérix, Mission Cléopâtre », tu l’auras reconnu. Et tu bloques. Tu bloques sur la scène de présentation de Cartapus, Chantal Loby nous t’aimons. «On me voit, on me voit plus, on me voit plus, on me voit, on me voit plus». Elle est forte hein ! L’impression de connaître cette technique, de la subir, d’en abuser même. Aucune faculté n’enseigne cet art, aucun dogme n’existe, aucun courant sataniste ne vous introniseront le maalem gothique de la disparition. Il y a bien les acharnés de la discipline: les magiciens, voleurs et autres prestidigitateurs, mais cela reste de la fantaisie qui s’apprend dans les bouquins pour les nuls. La capacité à disparaître, nous y venons. Maati Benjelloun ne s’intéresse pas à la disparition des objets, ni toi d’ailleurs. C’est beaucoup trop rationnel pour des adeptes de la folie contrôlée de Casabancal. On s’intéresse donc bien à la disparition des personnes, un acte sociétal de haute importance s’il en est. On évitera d’aborder le thème des alertes enlèvement, Maati Benjelloun étant familier avec certains serial killer, il ne peut divulguer ses sources. Les gens disparaissent, continuellement, pour des motifs obscurs penses-tu ? Tu te trompes jeune casabancali. C’est pourquoi tu trouveras ci-après les principales raisons de disparition de tes amis, de ta famille, de tes copains, copines, de ton plombier, PCR, boss, mole me7laba…le phénomène « Triangle des Bermudes à Casabancal » touche presque tout le monde.

(Si tu te reconnais, ne clique pas sur j’aime, partage c’est beaucoup plus efficace pour qu’on puisse faire gonfler l’audience, réfléchis) :

• On te doit de l’argent. C’est surement la principale cause de disparition à Casabancal. Les créanciers sont les plus mal chaussés, et souvent les plus naïfs. On te promet des « dès que j’encaisse tel ou tel chèque, que je retrouve un boulot fixe, que ma grand-mère crève enfin, je te rembourse promis ! » Alors t’attend. L’héritage est tombé, le business est florissant, il ou elle n’encaisse plus de chèques depuis  longtemps mais son compte bancaire pullule de virement entrant. Et toi t’attends, tu manges des pâtes et t’attends

• Il ou elle s’est marié(e). C’est le phénomène de disparition le plus incompréhensible. Ton mari te coupe du monde ? Ta femme te séquestre ? A moins que tu ne recherches dans le mariage une retraite psychologique dans un 2 pièces flambant neuf, il y a un surement un problème, qui malheureusement ne sera exprimé qu’une fois au tribunal d’Ain Sebaa pour négocier le divorce. Ou alors, il ou elle disparaît pour ne pas donner d’occasion à son ancien entourage de baver sur certains dossiers (j’aime cette naiveté), casseroles et tout autres ustensiles de vaisselles qui fait du bruit quand on le sort du placard. On excuse bien sur les casabancali qui ne disparaissent que vis-à-vis de leurs ex respectifs, cela fait sens.

• Ils ont disparu. Tes potes se voient et s’amusent, sans toi. Tu te sens comme Hugh Grant dans « Seul au Monde ». Wilson ne te répond même plus dans ta déchéance solitaire. Tes meilleurs amis, qui se sont rencontrés grâce ou à cause de toi autour d’un posage à la régulière, s’adorent spontanément et t’oublient, purement et simplement. Au début t’es content pour eux, ce ne sont au final que des gens que tu apprécies qui prennent du bon temps. Puis tu te sens délaissé. Puis tu déprimes  et tu commences à parler aux palmiers de Moulay Youssef. Puis tu t’en fous, personne n’appartient à personne

• Il a dit oui, mais non (en fait). Ton plombier t’a confirmé par téléphone qu’il passerait le lendemain à 8h30 pétantes. Ton client s’est exclamé par téléphone « Ca m’intéresse, je prends tout de suite ! », ta copine du moment était tout sourire à l’idée que tu l’invites ce soir à la séance de minuit (coquin va), ton imprimeur t’as envoyé un mail stipulant « Vous serez livré à 17h ». Tadam ! Disparition. Ton plombier est sur répondeur pendant 15 jours, ton client a apparemment quitté la ville dans la nuit, ta copine doit surement être grippée (ze3ama) et ton fournisseur imprime encore a priori. Ou alors, peut être fallait-il écouter plus assidument la matinale de Younes Lazrak.

• Il ou elle ne se souvient plus de qui tu es. Tu pensais avoir fait la rencontre de ta vie. T’es passé chez le coiffeur, t’as préparé ton banquier psychologiquement pour le crédit du mariage, t’as rendu ta mère heureuse et fier le lendemain au petit dej’, tu t’es fais porter malade pour passer les fameux 3 jours d’attente « texto » traditionnels à la salle de sport…et au final tu reçois un superbe « C ki ?» au bout de 3 semaines. Mince ! On se croirait dans Walkin Dead.

• Il ou elle a du boulot, oui, cela arrive encore. On remonte tranquillement vers les 5 ou 6% de croissance.  Les mole chekara s’en frottent les mains et s’excitent sur les directives, t’en prends donc plein la gueule à ton petit niveau de subalterne zélé. Par conséquent, sans même t’en rendre compte, tu disparais. Par contre, la disparition parce que t’es dans le « rush » en fin d’après-midi alors que t’as passé ta journée à boire des cafés et à fumer des light ne sera plus tolérée à partir du 1er mars 2016, date entérinée au congrès des gens ponctuels de Cracovie.

• C’est le mois du Ramadan. Tu disparais pour refaire de la place à ta famille. Tu disparais parce que tu ne supportes pas la caféine après 21h. Tu disparais parce qu’à part le poker open bar au Es Saadi, les cartes ne te parlent pas de ton avenir. Tu disparais parce que t’as faim (?).  Tu disparais pour te couper des mauvaises influences, un peu comme le font tes bonnes manières les 11 autres mois de l’année.

Nicolas Hulot était à Casabancal il y a peu. Il aurait étudié le phénomène de la disparition sociétale de notre cité. En se projetant lui-même dans les prédispositions de Cartapus sous l’angle d’une analyse climatique poussée, il aurait retrouvé des traces de Marwan Chamakh.